L'atelier Crusader

« Tu sais tenir un marteau et un tournevis ? », c'est sur cette interrogation de Denis Dumoulin que Michel Couet fut accueilli en entrant au CAEA, où il rejoignit au début l'équipe du B.26. Par la suite, Patrick Meunier le contacta, à la recherche d'un groupe pour se lancer dans l'opération de démontage et remontage d'un Chance Vought F-8 E Crusader. Cet avion américain, embarqué sur les porte-avions français, se trouvait parqué, pour finir ses jours à Landivisiau dans la Base Aéronautique Navale (BAN) de la marine nationale. La mission consistait à le démonter en moins d'une semaine et après transport, à le remettre en état pour une nouvelle vie, à l'abri du Conservatoire de l'Air et de l'Espace à Mérignac.

Michel Couet accepta de se lancer dans l'aventure du « Crouze ». (avant d'en prendre plus tard la responsabilité au sein du Conservatoire). Ses gènes familiaux y étaient pour quelque chose : si ses fils ont attrapé le virus (l'un d'entre-eux assure la maintenance des Rafale Marine sur le Charles de Gaulle et un autre travaille à Figeac chez l'équipementier aéronautique Ratier ), son père avait apprit sa venue au monde d'une manière pour le moins originale : - pilote civil, instructeur moteur et vol à voile, il voltigeait sur Stampe au dessus du terrain de Saumur devant de nombreux spectateurs, quand en se posant, il les vit agiter les bras et l'applaudir ; persuadé qu'il avait exécuté une prestation aérienne de qualité, il rendit fièrement son salut à la foule, quand on l'informa que le haut parleur venait d'annoncer qu'il était papa d'un petit Michel !

Guidée par deux maîtres principaux, détachés par la Marine pour ce démontage , l'équipe du CAEA à Landivisiau était composée de sept participants (avec Patrick Meunier, se trouvaient Bernard Abadie, Alain Dufour, Xavier Servan, Olivier Jourdan, Michel Couet et son fils Franz ). « En cinq jours on n'a pas compté nos heures, mais.. » rappelle Michel avec malice, « on a bien rigolé pendant toute la durée du démontage par exemple : le soir, nous dormions tous les sept dans un dortoir, nous n'avons pas évité les bagarres de polochons et les lits en portefeuille ... Xavier à réalisé un film où sur un chariot, nous chantons la chanson des sept nains revenant du boulot…..« Heigh-ho, Heigh ho, on rentre du boulot… » L'ambiance était très sympa ».

« Au retour, avec Olivier Jourdan nous avons attaqué le remontage du Crusader, un peu plus tard Nicolas Miquel nous a rejoins. Ensemble, nous l'avons nettoyé, polishé et avons restauré les antennes en haut de la dérive. »

Olivier Jourdan est un mécanicien contrarié ! Passionné par tout ce qui vole depuis sa tendre enfance, il passa un bac pro de mécanicien …auto ! Pourtant avec un grand père mécano aviation, il en avait vu des bielles et des culasses de moteurs d'avions. Sa rencontre place des Quinconces en 2005 avec Gérard Nativi, au pied du Jaguar exposé par le Conservatoire, ré-orienta son sens de la mécanique vers celui de sa passion première : l'aviation. Il travailla d'abord avec l'équipe du Noratlas sur le train d'atterrissage et se porta candidat pour l'opération de démontage du Crusader en Bretagne : « Ce fut ma première grande aventure aéronautique…enfin ! » et de rajouter avec enthousiasme « mon plus beau souvenir tant professionnel que sur le plan humain…énorme challenge de démonter un tel avion en moins d'une semaine sans …mode d'emploi ! ».

« Le Crusader est techniquement très intéressant. Bien que conçu à la fin des années 50, il était encore dans le coup dans les années 80 ». Olivier Jourdan rajoute : « Comme tout matériel américain, il est robuste, imposant et monté solide ». Et avoue…: . « Je suis tombé amoureux de cet avion en travaillant dessus : comme une fille avec laquelle on n'a pas d'atome crochu au départ et que l'on découvre à fur et à mesure qu'on la fréquente ! Une semaine pour la découvrir et quelques années de vie commune ».

L'aéronautique et Nicolas Miquel c'est de l'histoire ancienne : fils d'un militaire de l'armée de l'air, il allait en famille assister aux meetings aériens et se prit tôt de passion pour la fabrication de maquettes d'avions. Par le biais de son père, il connut le CAEA où il s'inscrivit. En contact avec Michel Couet, il lui fit part de son goût pour les avions de la deuxième guerre mondiale et de ceux des années 50 version marine…il n'y avait qu'un pas à faire pour se trouver aux pieds du Crusader. Nicolas Miquel connaissait bien cet avion embarqué pour deux raisons : son frère avait été armurier dans l'aéronavale sur…Crusader et il conservait le souvenir d'une journée « portes ouvertes », à Cazaux où trônait cet avion aux couleurs US (gris au ventre blanc) avec les cocardes françaises. « J'ai travaillé dessus, dès mon arrivée au conservatoire, sur la peinture, le Sherlock et l'antenne. Le métal très abîmé était à reprendre ».

« Pour faire partie de l'équipe que Patrick Meunier formait, j'ai pris sur mes congés, comme cinq autres du groupe ». Bernard Abadie bossait déjà les samedis matins sur le Dewoitine du CAEA ( cf: L'atelier D.520) et, intéressé par le « Crouze », il s'accorda cette parenthèse . « On ne connaissait rien des appareils de l'aéronavale, aussi sommes--nous allés à Toulouse, voir un Crusader au Musée, pour nous renseigner ». A Landivisiau, à l'abri dans un hangar, Bernard se souvient de l'excellente ambiance dans le groupe des sept, démontant tout ce qui devait l'être afin d'en charger les éléments sur deux semi-remorques. « C'était tellement sympa que nous avons préféré rester ensemble dans une grande chambre plutôt que d'utiliser les individuelles prévues par la base. »

Mais pour Bernard Abadie la plus grande satisfaction (ou fierté) allait venir quand , devant les éléments du Crusader sanglés sur les « semi » pour partir vers Mérignac, le Capitaine de Corvette chargé de la supervision de la cession de l'avion au Conservatoire, s'est adressé au groupe. « Après avoir avoué, qu'à notre arrivée, il avait eu des doutes sur la réussite de l'opération démontage, il considérait aujourd'hui que sa réalisation en cinq jours relevait de l'exploit : Chapeau à l'équipe . »

Revenu travailler sur le D.520, Bernard n'hésite pas à venir donner un coup de main à Michel Couet et Nicolas, quand il s'agit de préparer l'appareil pour une présentation extérieure, comme la Foire Exposition.


« Heigh-ho, Heigh ho, on rentre du boulot…….. »