Le hangar HM2
Hangar HM2
Hangars métalliques d'aviation à toiture autoportante de 70 mètres d'ouverture
Par M. HOUEL
ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Directeur des Établissements Daydé
Publié dans Travaux - Décembre 1936.
Photos : service photo BA 106
La puissance et le rayon d'action des avions modernes rendant précaire l'existence des aérodromes situés à proximité des frontières, le ministère de l'Air décidait, au début de l'année 1935, le repli de certaines bases aériennes vers l'ouest et le sud de la France.
La solution métallique s'imposait en raison de l'urgence des installations, commandée par les événements ; elle permettait de plus une construction légère et démontable, avantage particulièrement précieux ; l'implantation des hangars autour du terrain doit pouvoir en effet être modifiée suivant les besoins ; il est même nécessaire de prévoir que les hangars pourront être reconstruits rapidement en d'autres bases d'aviation.
L'avant-projet retenu par l'Administration, à la suite d'un concours a été présenté par les Forges et Ateliers de Constructions électriques de Jeumont et la construction de 27 hangars a été confiée à cette Société et aux Etablissements Daydé.
Ces hangars métalliques diffèrent des hangars construits jusqu'alors par le principe même de leur couverture qui est une réalisation métallique des voiles minces à double courbure dont la théorie a été présentée par M. l'ingénieur des Ponts et Chaussées Aimond, dans le Génie civil du 25 février 1933, et a fait l'objet de plusieurs communications au Congrès de Berlin d'octobre 1936, de l'Association internationale des Ponts et Charpentes.
L'Administration avait imposé aux constructeurs des surcharges très importantes en raison du fait que les bâtiments devaient être situés dans des endroits dégagés où ils pourraient subir l'action directe de vents très violents. On devait tenir compte, en plus d'une pression sur les surfaces directement frappées, de dépressions sur les faces abritées ou faiblement inclinées sur l'horizontale et de pressions ou dépressions uniformes à l'intérieur même du hangar. Les conditions les plus défavorables obtenues en combinant les pressions intérieures et les dépressions extérieures correspondaient à un vent de 140 kg par m2 sur les surfaces verticales et à un vent ascendant dont l'intensité était également de 140 kg par m2 sur la couverture. La surcharge de neige de 75 kg par m2 était réduite à 25 kg par m2 lorsqu'elle coexistait avec l'action du vent.
En raison des grandes portées à réaliser et de l'importance des surcharges, les constructeurs ont utilisé des aciers Martin au chrome-cuivre à haute résistance " AC 54 " dont les caractéristiques répondent aux conditions spécifiées dans l'annexe au règlement du 10 mai 1927 sur le calcul des ponts métalliques. L'indice de corrosion de ces aciers devait être inférieur à 6.
Le taux de travail autorisé était de 19,2 kg par mm2 en traction. On devait en outre vérifier que, si les surcharges étaient accidentellement doublées, les taux de travail n'étaient pas majorés de plus de 50 %. Il fallait également que la variation des contraintes dans une pièce rivée soumise à des efforts variables ne dépasse pas 25,2 kg par mm2 sous surcharges simples et 1,5 X 25,2 = 37,8 kg par mm2 sous surcharges doublées.
Les hangars type Jeumont-Daydé ont une ouverture de 70 m et une profondeur de 66 m ou 55 m. La hauteur libre sous les tirants est de 10 m. L'ossature repose sur des fondations en béton de 1,50 m de hauteur au-dessus du sol. Elle se compose pour un hangar, de 66 m de 6 arcs intermédiaires à tirants de 71 m de portée, espacés de 11 m d'axe en axe reposant sur des poteaux verticaux, de 2 arcs pignons de même portée, d'entretoisements et contreventements divers, d'une couverture en tôle, des ossatures et bardages des parois, et des portes roulantes permettant l'obturation du pignon ouvert. Un hangar de 55 m a même constitution mais comporte une travée de moins.
Les arcs sont à treillis. Leur section est un rectangle de 1,50 m de hauteur et 0,80 m de largeur. La fibre moyenne circulaire à un rayon de 86,71 m ce qui correspond à une flèche de 7,60 m.
Les tirants sont des poutres en caisson de 0,60 m x 0,58 m avec treillis dans les faces verticales. Ils travaillent en tension sous l'action du poids propre et de la surcharge de neige et en compression sous l'action ascendante du vent. Chaque tirant est relié à l'arc par 5 suspentes à treillis. Les arcs sont construits avec une contre-flèche telle qu'après montage, sous l'influence du poids propre de toute l'ossature métallique les tirants soient horizontaux.
Chacun des arcs et son tirant s'assemblent aux naissances, par un axe d'articulation, sur deux poteaux de 9,10 m de hauteur. L'un de ces poteaux, articulé à sa base, permet la libre dilatation de la ferme sous l'action de la température et des charges. L'autre poteau est stabilisé par une contre-fiche dont la base est écartée de 10,20 m de celle du poteau. Cette contre-fiche est placée tantôt à droite, tantôt à gauche du hangar.
Les entretoisements et contreventements comprennent :
- Les butons supérieurs qui transmettent les tractions horizontales des tôles de couverture et entretoisent les arcs ;
- Les poutres au vent de pignon situées au niveau des tirants ;
- Les poutres au vent de longs pans qui reçoivent les réactions des poutres au vent de pignons et les transmettent aux contre-fiches de longs pans, pour assurer la stabilité du bâtiment dans le sens longitudinal ;
- Les butons inférieurs qui entretoisent les tirants et relient entre elles les deux poutres au vent de pignons ;
- Des entretoisements verticaux en croix de saint André qui réunissent entre elles les deux dernières fermes courantes dans les plans verticaux des suspentes et des butons.
La couverture est constituée par une toiture auto-portante en tôle de 14/10 de mm d'épaisseur, mise en œuvre par bandes de 2,50 m x 10,20 m formées de 6 éléments assemblés à l'atelier par soudure bout à bout au moyen de la machine automatique Sarazin. La couverture d'un hangar de 66 m comporte environ 2 500 m de soudure. C'est la première fois qu'on a exécuté sur une aussi grande échelle la soudure de tôles minces de 14/10 en AC 54. Les Etablissements Daydé ont effectué ces soudures à l'aide d'appareils automatiques. Chaque bande est suspendue par ses extrémités à 2 arcs consécutifs et soutenus par des pannelettes raidisseuses de 160 mm de hauteur ; les bords des bandes élémentaires sont raidis, pour leur permettre de résister aux efforts exercés par les boulons d'assemblage, par des fers plats de 4 mm d'épaisseur soudés par points, après interposition entre les épaisseurs à souder d'un enduit d'étanchéité. La couverture d'un hangar de 66 m comporte environ 130 000 points de soudure. L'automatisme complet de la machine à souder Sciaky, par points, a nécessité une mise au point particulièrement délicate.
Les arcs étant de forme circulaire, la toiture se trouve composée de segments d'hyperboloïdes de révolution ayant un axe horizontal commun parallèle aux longs pans. Les charges descendantes sont reportées sur les arcs par chaque bande de tôle travaillant comme un câble de pont suspendu. Les tractions qui en résultent
sur les arcs s'équilibrent 2 à 2, chaque arc étant encadré par deux demi-segments d 'hyperboloïde. Aux deux extrémités, le long des pignons, les tôles de couverture sont fixées suivant le cercle de gorge de l'hyperboloïde sur les arcs de rive qui sont ainsi soumis à des efforts de flexion et de torsion.
Finalement les résultantes des tractions sont prises par les butons supérieurs qui passent à travers la partie inférieure des arcs et sont tangents aux tôles de couverture au droit du cercle de gorge.
Les charges ascendantes sont au contraire reportées aux extrémités des arcs par la tôle qui travaille comme dans un cylindre de révolution ; les contraintes dans la tôle sont alors perpendiculaires à celles engendrées par les charges descendantes. Les tractions produites dans le sens des parallèles sont transmises aux arcs par l'intermédiaire des génératrices rectilignes de l'hyperboloïde. Au voisinage des longs pans, les génératrices de l'hyperboloïde ne rencontrant plus les arcs, il a fallu armer la tôle suivant ses méridiens par l'adjonction d'entretoises entre les pannelettes.
Sur les 3 côtés non ouvrants du hangar règne une murette en béton armé de 1,50 m de hauteur sur laquelle repose le bardage en tôle pliée de 14/10 de mm d'épaisseur. Ce bardage réalisé à l'aide de tôles de 1 m de largeur, pliées à la machine, ce qui réduit leur largeur utile à 72 cm avec un creux de 24 cm, est en somme une tôle ondulée à très grandes ondes qui travaillé en flexion. Les longs pans sont vitrés sur une hauteur de 2,70 m au-dessus du bardage. La partie centrale des frontons des pignons est également vitrée sur 35,50 m de longueur. Une partie des vitrages du pignon fermé est ouvrante et manœuvrable à la main du sol du hangar.
Le hangar est fermé par des portes roulantes du type Huguet-Tournemine. Elles sont composées de 15 vantaux de 10 m de hauteur et de 4,70 m de largeur manœuvrables à bras. Ces vantaux roulent sur un chemin constitué par 2 rails de 9,5 kg réglables en hauteur et sont guidés à leur partie supérieure par 2 galets se déplaçant entre 2 fers U portés par le tirant de l'arc de rive. Les vantaux se garent sur un côté du hangar où, grâce à un dispositif de pivotement réalisé à l'aide d'un dédoublement des chemins de roulement et de guidage, ils s'empilent les uns derrière les autres. Les tôles de bardage sont du même type que celles du hangar, mais elles ont 20/10 de mm d'épaisseur.
Tous les éléments constitutifs des hangars ont été assemblés par boulonnage. Un hangar de 66 m comporte plus de 100 000 boulons en acier " AC 50 " dont près de 30 000 boulons de 6 mm pour assemblage des tôles de bardage et environ 35 000 boulons de 16 mm avec rondelles en plomb pour assemblage des tôles de toiture. Une équipe de boulonneurs posait 200 à 250 boulons par jour.
Toutes les pièces ont reçu à l'atelier, après brossage du métal, une couche de brai. Après montage il a été appliqué deux couches de peinture au brai d'aluminium contenant 220 g de poudre d'aluminium par kg de vernis. La quantité de poudre l'aluminium déposée par couche et par mètre carré ne devait pas être inférieure à 12 g. Un hangar de 66 m qui comporte 30 000 m2 de surface à peindre par couche, était peint en 15 jours par une équipe de 22 hommes.
Le montage des 11 hangars de l'aérodrome de Bordeaux-Teynac et des 4 hangars de la base de Lanvéoc-Poulmic a été effectué par les Etablissements Daydé dans les conditions suivantes :
Les fermes principales ont été montées à l'aide d'un échafaudage roulant s'élevant jusqu'au niveau des tirants, échafaudage sur lequel se déplaçait une grue pivotante de 6 t. L'ensemble était ripé pour le montage des fermes successives, puis ripé à l'emplacement du hangar suivant. Trois échafaudages et trois grues pivotantes permettaient de mener parallèlement le montage de 3 hangars. Avec un personnel entraîné, une ferme était montée en 9 h et les 6 fermes d'un hangar en 24 jours. Les tôles de toiture étaient hissées sur des berceaux à l'aide d'un chariot roulant sur les arcs.
Le tonnage monté par semaine a atteint 96 t pour un hangar et 315 t pour l'ensemble du chantier de Bordeaux-Teynac, avec un effectif de 300 hommes environ.
Le poids d'un hangar, non compris les portes roulantes, est de 550 t ce qui correspond à environ 115 kg par m2 couvert.