« Le Nord était en pot de fleurs au camp de Souge, on l'a récupéré, Pierre Pée m'a demandé de m'en occuper, je m'en sentais capable, l'équipe s'est constituée spontanément et… on a transpiré ». Transpiré ! ce n'est pas peu dire quand on voit les photos de cet avion de transport de l'Armée Française, avant et maintenant : il est superbe ! « j'étais confiant mais on a passé plus de 5000 heures de travail ». Rétrospectivement à 78 ans, Robert Thoreau s'amuse des difficultés rencontrées, lui le maître d'œuvre d'une restauration d'un avion qu'il ne connaissait pas. Avec la documentation de la Médiathèque ajoutée à l'aide précieuse des fidèles bénévoles du Conservatoire, le Noratlas n° 188 est devenu l'une des plus belles pièces exposées au CAEA. « En 2002, on a commencé par le poste de pilotage, Jacques Dellac connaissait les instruments, le décapage du nez a été attaqué avec René Lemaire ( fondateur du CAEA ) et Bernard Desmoulin, on s'en est bien sorti ».
Robert Thoreau avait été breveté aide-mécanicien militaire dans sa jeunesse et voulait en faire son métier mais au bout de 3 ans, les circonstances de la vie l'on fait bifurquer et c'est à la retraite qu'il renoua avec ses premieres amours, en s'inscrivant au Conservatoire. Un Capitaine retraité, ancien pilote de chasse durant la dernière guerre, est à l'origine du goût de Robert pour ce qui vole, il eut la bonne idée de raconter ses aventures à son « petit » voisin de St Pierre-de-Juillers . Il lui communiqua, en fait, sa passion et le jeune Robert commença à vivre la sienne sur un Stampe dès l'âge de 16 ans.
Natif de Bassens, passionné d'aviation, Bernard Desmoulin arrive au Conservatoire en même temps que le Noratlas : « avec Robert, on a tout démonté, nettoyé, refait les plexis du cockpit et je me suis aussi occupé du calfeutrage et maintenant…j'apprends à piloter sur simulateur avec un logiciel de 737 ». Bernard se souvient du premier hiver, au début de la restauration, « Il faisait un froid de canard » et avoue « Il fallait être un peu inconscient pour se lancer là dedans ».
Ce passionné des choses de l'air avait bien les pieds sur terre durant sa vie professionnelle, ou plus tôt sur les rails de la SNCF. « Personnel roulant », il utilisait ses temps morts entre deux services, pour filer au Bourget ou à la Ferté Allais voir les avions, dans la mesure où la gare où il se trouvait lui permettait d'effectuer l'aller-retour dans les temps. Il précise en souriant « J'aime les avions mais à moteur à pistons : les entendre démarrer, c'est quelque chose ! »
Gérard Nativi, homme au tempérament bien trempé, faillit« rempiler » à la fin de son service militaire dans l'Armée de l'Air à Istres mais l'encadrement ne lui convenant pas, il fit alors carrière…à la SNCF. C'est ainsi que plus tard, son ami Bernard Desmoulin lui proposa de venir travailler avec lui sur le Nord. Le Noratlas, il le connaissait pour avoir effectué quelques vols dans cet appareil durant son service militaire. En mémoire : son premier vol de nuit d'Istres à Mérignac, notamment la vision des flammes sortants des échappements des moteurs, les illuminations de la gare de triage et du Pont d'Aquitaine. L'aviation a commencé à le travailler quand gamin il lut le Grand cirque : « Le livre en entier.. l‘aventure.. je restais à rêver » et de rajouter avec humour : « Maintenant il y a les simulateurs ». Sur le Nord, sa formation de chaudronnier et de dessinateur industriel a été bien utile, tant certaines pièces en tôle étaient abîmées. Aujourd'hui il règne en maître dans la salle de la « Visserie », à disposition de tous les ateliers du Conservatoire où chacun vient chercher le boulon ou l'écrou manquant. Gérard n'a pas pour autant laissé tomber le Noratlas, il travaille actuellement sur l'allumage des voyants du tableau de bord, avec l'assentiment satisfait de Robert Thoreau pour qui « le cockpit est la partie de l‘avion procurant le plus de curiosité aux visiteurs » et certainement à lui-même.
« Il se pilotait aux bras, faute de servo-commandes, lourd à basse vitesse mais très sain ; Autrement, c'était un appareil très agréable et fin ». Avec plus de 5500 heures de vol sur ce type, Alain Piquemal sait de quoi il parle. Auparavant, il s'était engagé dans l'Armée de l'Air, avait volé sur T6 à Cognac, sur Fouga à Orange, à Tours sur T 33 et Mystère IV, bien que breveté chasseur il s'oriente sur les transports. A Toulouse au CIET, sa mission consistait principalement à effectuer les vols de contrôle de sortie de V.P. (Visite Périodique). Alain Piquemal vola ainsi sur 168 des 208 Nord 2501 de l'Armée Française dont celui-ci ! Parmi ses nombreux souvenirs sur Noratlas, il cite le défilé aérien du 14 juillet dans les années 60 au dessus des Champs Elysées : il pilotait à l'arrière d'une formation de 24 Nord et le souffle généré par les appareils le précédant rendait la tenue du sien particulièrement inconfortable et délicate. Né à Bacalan, son intérêt pour l'aviation s'est révélé en une nuit ! : Celle où il dévora d'une seule traite le livre de Clostermann ( celui qui passionna également Gérard Nativi ). Au CAEA, Alain travailla peu de temps sur le Noratlas : « Je suis arrivé pour les finitions, le capitonnage et j'ai aidé régulièrement ».
« Il faut que je me serve de mes doigts, je suis un manuel », Daniel Castel a été à son affaire sur ce chantier de restauration du 2501, lui qui aime faire un travail qui se voit. « J'ai été jusqu'à amener chez moi des pièces pour les démonter et les nettoyer ». Fier du travail fourni, il se souvient de ses débuts dans l'équipe : « Je n'avais pas d'expérience, Robert (Thoreau) donnait son idée, jamais des ordres, et on y arrivait; Le remontage du plan horizontal valait un film, on a fait ça avec un petit Fenwick ! ». Daniel Castel s'émerveille toujours de découvrir comment est construit un avion : « Quand on pense que tout est parti d'une planche à dessin, sans ordinateurs à l'époque, on voit le travail et l'intelligence de l'homme ». Jeune, habitant le Bouscat, il voyait passer les avions et le week-end, enfourchant son vélo, il allait à Mérignac, les regarder de près, bien documenté par les lectures d'Aviation Magazine que son père, abonné, lui passait . Un service militaire dans l'ALAT lui permis d'en voir d'autres et de les toucher : L.18, L.21, Nord 3202, Broussard, etc.
Michel Canasse a plaisir à être un cas à part : « Je ne suis pas un fan de l'aviation, pour moi c'est un moyen de transport pour aller d'un point à un autre ». Fils d'un père aventurier, propriétaire de plusieurs avions en Afrique, il a volé en sa compagnie très jeune : en Stampe pour un vol « coqueluche » mémorable, ou pour des convoyages d'avions légers de transport. Directeur informatique dans sa vie professionnelle, passionné de voile sur de gros voiliers (d'un point à un autre..), de plongée sous-marine, un jour de 2002, il découvrit le CAEA aux Journées du Patrimoine et s' intéressa au Noratlas alors en chantier. Le poste de pilotage fut l'un de ses premiers travaux, « A deux ou trois, on a tout sorti, j'ai même fait le traitement du métal des palonniers chez moi ». « j'aime avoir un chantier devant moi à moyen terme avec une occupation manuelle et intellectuelle, comme ma participation à la création du site internet du Conservatoire ». Entreprenant, Michel réfléchit à une future traversée de l'Atlantique à la voile, en partant d'un point …à un autre, ce qui est préférable dans ce type de projet.
Quand la maison de ses parents se situe dans l'axe de la piste 29 de Mérignac et qu'à minuit on guette le passage du Dakota de la Postale de nuit, on a des prédispositions pour l'aviation, jusqu'à y entrer de plain-pied en s'engageant dans l'Armée de l'Air. Jean-Pierre Colomès se souvient qu'à la dernière affectation de sa carrière militaire à…Mérignac, il y avait encore 13 Nord 2501 de regroupés à l'ETI et des chargement de moteurs de Mirage IV dans la soute. Auparavant, il avait effectué plusieurs vols Evreux-Mérignac à bord du Noratlas. Travaillant par la suite à la fac de Bordeaux à l'IMA ( Ingénierie et Maintenance Aéronautique ), il entra au Conservatoire de l'Air et de l'Espace, ( juste après l'arrivée de Robert Thoreau) et naturellement l'accompagna dans la grande aventure de la restauration de la « Grise » . En fonction de son emploi du temps, il venait donner la main dès que possible : « J'ai bossé un peu sur tout, tableau de bord, planchers, sièges, etc. ». Remontant le temps avec un peu de nostalgie, Jean-Pierre Colomès aime à se souvenir de celui, où avec son père, il venait voir les Constellation à Mérignac sans oublier la visite du quadrimoteur SE 2010 Armagnac aux 2 manches parallèles, effectuée avec un guide avec casquette.
Suite à une visite au CAEA en 2003, Serge Payres y resta !. « J'avais une passion des avions : durant 12 ans j'ai fait du modélisme, vol circulaire, radio commande. Le plus beau cadeau que l'on pouvait me faire, quand j'était gamin, c'était de m'acheter un avion ». Malgré une formation d'électricien auto, Serge s'engagea dans l'Armée de l'Air à Francazal, ce qui lui permettre de voler le dimanche à Lasbordes. Son premier travail au Conservatoire sur le Nord consista a décapitonner, monter des réservoirs dans la cloison et installer les vitres Triplex du cockpit avec Robert Thoreau.
« Je suis un enfant de la guerre et j'ai passé ma première jeunesse dans l'est de la France, où à la fin de celle-ci, il y avait plein de militaires. Mon cousin à son retour d'Indochine était mon « idole » et mon frère servait dans l'Aéronavale, aussi quand il l'a quittée ..je me suis engagé ». D'abord basé à Nîmes, comme électricien, Jacques Dellac a volé une fois sur Breguet Alizé, puis dans le Pacifique sur Lancaster « blanc » dans l'escadrille 9 S et sur SNJ 5 (T6 Marine) et Morane 500. A la fin de son contrat dans l'Aéronavale, il effectua le reste de sa carrière chez Breguet et Dassault. Arrivé à la retraite, Jacques Dellac pensait s'éloigner définitivement des avions mais très vite, il se sentit en « manque » et…. entra au Conservatoire. Sa contribution sur le Noratlas a commencé dès son démontage à Souge avec Robert Thoreau, il se chargea ensuite de retrouver du matériel pour équipement de bord et de l'implantation électrique intérieure.
A l'âge de 10 ans commença sa passion pour l'aviation où après avoir lu, comme toute une génération, « Le grand Cirque », son frère lui offrit son baptême de l'air à l'aérodrome Clément Ader à Muret. C'est également à Toulouse, à 18 ans, que Jacques effectua son premier saut dans le cadre de sa préparation militaire pour le brevet de parachutiste, moment intense qui se passait à 2 Kms de la maison de ses parents !
L'aventure de la restauration du Nord 2501 c'est une affaire d'hommes, on comprend pourquoi Robert Thoreau aime à dire: « L'équipe avec qui j'ai travaillé, ce n'est que du plaisir »