Le Rhône 9J

France  Moteur rotatif

 

 


   - Le moteur Le Rhône 9C

Le moteur Le Rhône 9C comprend une partie fixe, le vilebrequin, en deux parties réunies par un emmanchement carré, à un maneton, un plateau arrière supportant la magnéto et la pompe à huile, et neuf cylindres rotatifs réunis par un carter annulaire en acier Martin, fermé à l'avant par un nez doublé d'un faux nez supportant l'arbre d'hélice, et fermé à l'arrière par une flasque bloquant le vilebrequin.
Les pistons sont en fonte et comportent quatre segments racleurs en acier " rapid ". Vissés dans le carter en aluminium et bloqués par un contre-écrou en acier, les cylindres sont en acier et comportent intérieurement une chemise en fonte emmanchée à la presse. La culasse porte deux soupapes par cylindre, leur axe convergeant vers leur axe de rotation : la force centrifuge est utilisée pour le rappel.
Elles sont commandées par un basculeur lui même commandé par des tiges poussées par des cames dans le carter. La tension des ressorts de rappel est nulle. Les tubulures d'admission caractéristiques des moteurs Le Rhône sont en cuivre, en deux pièces, permettant leur dilatation par le chaleur ; la bride d'attache est en acier.
L'embiellage est de type bielle maîtresse (traditionnellement celle du haut sur le plan) et huit bielles secondaires solidarisées. Les bielles ont un degré de liberté par rapport à l'axe du maneton et entre elles. Formées de deux coquilles, les têtes de bielles comportent trois séries de rainures garnies de bronze où viennent s'engager les talons des têtes de bielles, permettant les mouvements d'oscillation par rapport à la bielle maîtresse. Les bielles 4 et 5 sont à petit talon, les bielles 3,6 et 9 à moyen talon et les bielles 2, 5 et 8 à grand talon.
Particulier aux moteurs Le Rhône, le système de distribution comprend deux soupapes inclinées actionnées en poussée et en traction un culbuteur commandé par une tige située à l'arrière du moteur elle même actionnée par un basculeur à deux galets (admission et échappement) situé dans le carter et dont chaque galet roule sur une came à cinq bossages. Cette came tourne dans le même sens que le moteur dans un rapport 9 à 10 (faux nez 45 dents, came 50 dents). Le moteur gagne donc un tour sur dix. Tous les deux tours moteur, les galets se trouvent au même point de la came et au bout de dix tours au même point des bossages de ces cames. La came avant (en bas sur le dessin) commande l'admission, la came arrière (en haut) l'échappement.
Le graissage se fait par une unique pompe à cylindre oscillant commandée par un arbre joignant le vilebrequin via une vis sans fin, dans un rapport 9/5 soit à la vitesse de 2 160 tours par minute. Dès l'arrêt du moteur, le pilote doit fermer l'arrivée d'huile à la pompe pour que l'huile ne coule pas dans les cylindres si la pompe oscillante est restée en position ouverte. Il existe six sorties d'huile sur le trajet de la canalisation : parois intérieures des cylindres, came et galet de distribution, maneton de vilebrequin, coquilles de bielles. Les têtes de bielles ont des trous et des pattes d'araignée.
L'allumage est fait par une magnéto tournant avec le moteur dans un rapport 9/4, soit 2 700 tours. La transmission du courant se fait par charbon frotteur monté sur le moyeu de volant moteur, par plots du distributeur rotatif jusqu'aux fils des bougies. Le moteur Le Rhône 9C de 80 ch complet pèse à sec 119 kg. Il consomme 33 litres d'essence et cinq litres d'huile à l'heure.
Le Nieuport X (type 10) est le premier biplan dessiné par l'ingénieur Gustave Delage chez Nieuport-Astra, au printemps de 1914. Comme tous les appareils créés à cette époque, c'est un biplace d'observation. Delage avait été frappé le 20 avril à Monaco par la vitesse stupéfiante atteinte par le petit biplan Sopwith " Tabloïd " piloté par Howard Pixton, qui dépassait allègrement les 130 km/h avec un petit moteur Gnôme de 80 ch seulement, et il s 'en est largement inspiré. Le ministère de l'équipement impose à Nieuport, dont les ateliers quittent Issy-lesmoulineaux (Hauts-de-Seine) en août 1914 pour Lyon (Rhône) par suite de guerre, le moteur Le Rhône 9C qui vient de réussir son homologation à 80 ch pendant 15 heures, et dont le temps moyen entre pannes est supérieur à 30 heures, soit le double des moteurs Gnôme.
Mobilisé en août, Delage libéré fin 1914 reprend ses fonctions au bureau d'études Nieuport. Toujours inspiré par le Sopwith " Tabloïd " de 1914 destiné à la Coupe de vitesse Gordon-Bennett, Il dessine un chasseur monoplace léger, rapide et maniable, aux commandes très précises et douces, le Nieuport 11 BB, plus communément appelé " bébé " Nieuport. Le " bébé " Nieuport va s'avérer à l'usage l'un des avions les plus remarquables de la première guerre mondiale.
C'est un pur monoplace de chasse, pesant 320 kg à vide (avec son moteur, un Le Rhône 9C de 120 kg), de seulement 13m2 de surface portante (contre 18m2 au Nieuport 10) capable de voler à 155 km/h et de grimper à mille mètres en quatre minutes. Il est plus rapide que le Fokker E1 allemand et surtout beaucoup plus maniable. Le Nieuport 11 est armé d'une mitrailleuse Hotchkiss ou Lewis placée au-dessus du plan supérieur d'aile ; il entre en service au front au début de l'année 1916 à un moment critique : les alliés ne possèdent la supériorité aérienne. En particulier, au cours du mois de janvier et février, les britanniques avaient perdu plus de 1.500 aéroplanes et 800 pilotes, les Allemands et Autrichiens alignant des appareils puissants, biplaces et très armés. Le Fokker E1 à la mitrailleuse synchronisée fait alors régner la terreur dans le ciel français.
Dès son entrée en service, le Nieuport 11 change ce rapport de forces. Pendant la bataille de Verdun, en février 1916, des pilotes aussi remarquables que Tricornot de Rose, le créateur de l'escadrille et patron de la chasse en France, Jean Navarre, l'as aux douze victoires, Albert Deullin, l'as aux vingt victoires, Georges Guynemer, l'as aux 54 victoires et René Fonck, l'as des as français avec 75 victoires, trouvent dans le Nieuport 11 un excellent engin de chasse. Le Nieuport 11 a infligé de si lourdes pertes aux allemands que le haut commandement interdit à ses pilotes de voler autrement que groupés en escadrilles pour se défendre mutuellement.
Le moteur Le Rhône 9C a été produit en France à 5.600 exemplaires en 1915 et 1916. A ce chiffre s'ajoutent les 1.300 exemplaires construits sous licence en Grande-Bretagne par W.H.Allen Son & Co Ltd à Bedford, F.W. Berwick & Co Ltd à Park Royal et par Daimler à Coventry.
Construit sous licence avant la guerre par la firme autrichienne Steyer Werke, le moteur Le Rhône 9C a été également produit en Allemagne, toujours avant la guerre, par les importantes firmes Siemens et Mercedes- Benz.

   - Le moteur Le Rhône 9J

Le moteur 9J de 110 ch est un neuf cylindres en étoile rotatif basé sur le même principe que le moteur 9C de 80 ch. Le nouveau type, plus puissant, est aussi plus encombrant et plus lourd que le moteur précédent. Son diamètre passe de 85 cm à exactement un mètre. Cependant, des améliorations sont apportées pour simplifier les opérations d'entretien. La commande de distribution est placée à l'arrière du moteur, ce qui la protège des corps étrangers venus de l'avant. Le faux nez, trop compliqué à démonter, est supprimé et c'est le porte-hélice qui supporte le roulement de contre-coude. La butée en bout de vilebrequin supportant les efforts longitudinaux est supprimée, et le roulement arrière à rotule S.K.F. tient lieu de butée. L'arrière du carter moteur est fermé par une simple flasque supportant l'engrenage commandant les cames et le distributeur de courant.
Vu par le pilote, le moteur tourne dans le sens des aiguilles d'une montre, comme tous les moteurs Le Rhône.
L'alésage passe de 105 mm à 112 mm et la course passe de 140 à 170 mm, le moteur cubant 15 litres contre 10 litres au 9C. Les arrêts des ressorts de soupape sont formés de cônes inverses rappelés par des ressorts à la force centrifuge. La levée de la soupape d'admission est de 9 mm, celle de la soupape d'échappement de 7 mm.
Dès son homologation à 110 ch en juillet 1915, le moteur 9J est testé sur différents appareils. Destiné à remplacer les Nieuport types 10 et 11, le Nieuport type 16, qui apparaît au printemps 1916, est propulsé par le nouveau moteur, avec lequel ses performances ne sont toutefois pas supérieures au type 11. En revanche, sur le Nieuport type 17, qui apparaît au front en juillet 1916, les performances sont brillantes.
En deux ans, la France construit environ 4.000 Nieuport type 17, dont 3.500 à moteur Le Rhône 9J de 110 ch. En octobre 1916, la Marine française se dote d'une escadrille de chasse, équipée de Nieuport 17, basée à Dunkerque. Les Nieuport 17 français équipent les aviations britanniques (500 exemplaires), russes (400 exemplaires), belges et hollandaises (200 exemplaires), et 75 sont fournis au corps expéditionnaire américain en Europe. Quelques appareils Nieuport 17, une minorité, sont propulsés par le moteur Clerget de 130 ch.
Le 9J est le moteur Le Rhône qui a été fabriqué dans le plus longue série. 9.350 exemplaires ont été fabriqués en France entre 1915 et 1917. La Grande-Bretagne en a fabriqué 1.100 exemplaires sous licence chez W.H. Allen Son & Co Ltd à Bedford. Ils équipent les excellents Avro 504 K et le très rapide Bristol M1C.
En Suède, pays neutre, la société Thulin produit pour l'Allemagne des moteurs 9J et en Allemagne Oberursel Motoren, qui détenait déjà la licence de construction du moteur 9C avant la guerre, produit le 9J sous le type Oberursel UI en 1916 (650 en Allemagne et 200 en Suède). Ces moteurs équipent des Fokker DR1, E5 et D8.
En Italie, la Societa Italiana Motori Gnôme Et Rhône (SIMGER) à Turin produit le 9J jusqu'en 1917 pour en équiper ses Nieuport 16 et 17, construits chez Nieuport- Macchi. La Russie, avant la Révolution d'octobre, produit le moteur 9J dans l'usine Impériale Russe de Moscou. Les Etats-Unis produisent sous licence 1.400 moteurs 9J pour équiper les chasseurs Nieuport 27 qu'ils produisent sous licence.

   - Sources documentaires

Dossier Les moteurs Le Rhône. Gérard Hartmann. (pdf, 3065 Ko)