Gnôme-Rhône 14K Mistal Major
Moteur en étoile 14 cylindres
A l'origine ce moteur avait été identifié par erreur comme étant un Gnôme Rhône 14N.
Les moteurs d'aviation
La société Gnôme & Rhône et les moteurs de grande puissance Principal fournisseur de moteurs d'avions français avec Hispano-Suiza, la société des moteurs Gnôme & Rhône est sollicitée par le Service Tec hnique de l'Aéronautique (STAé) à la fin des années 1920 pour la fourniture de moteurs militaires et civils de forte puissance. De tels moteurs sont souhaités par tous les constructeurs. Lorsque renaît l'Armée de l'Air en 1928, les premières demandes du STAé auprès des motoristes concernent les moteurs de forte puissance, des moteurs dont la puissance unitaire dépasse 600 ch.
La firme Hispano-Suiza de Bois-Colombes à cet égard jouit d'une excellente réputation. Elle fournit gracieusement aux constructeurs intéressés des moteurs pour battre des records. Hispano-Suiza, ainsi, se taille un formidable palmarès en 1929 et 1930 avec ses V12 équipant le Bréguet 19 de records piloté par Dieudonné Costes, Maurice Bellonte et Paul Codos. Hispano développe alors un nouveau V12 de 27 litres développant 650 ch baptisé série 12 X, qui fait suite à la série 12 N de 1929. Dans ce moteur, refroidi au glycol, les soupapes sont creuses et refroidies au Sodium. Ce moteur, qui délivre en 1932 près de 700 ch avec un compresseur centrifuge, est utilisé sur les chasseurs monoplans Dewoitine 500 et 510.
Chez Gnôme & Rhône les ingénieurs du bureau d'études cherchent des solutions nouvelles, purement françaises. Le Jupiter 9 A de 1922 a vécu ; son successeur suralimenté le Mistral 9K est en plein développement mais en 1929 il ne dépasse pas les 650 ch et son potentiel semble limité à 750 ou 800 ch.
Si des moteurs de compétition à la fin des années 1920 dépassent 1000 ch, pendant quelques heures seulement, voire quelques minutes, et au niveau du sol, le temps d'accomplir un tour de piste, il n'existe en 1929 aucun moteur de série dépassant 1000 ch. Le moteur Rolls-Royce « R » du Supermarine S6 vainqueur de la Coupe Schneider 1929 disputée à Calshot, un V12 de 36,7 litres construit à 20 exemplaires seulement, développe 900 ch sans suralimentation, 1500 ch avec un compresseur volumétrique Roots qui souffle à 1,7 bar. Il n'atteint 2000 ch qu'avec un « mélange » d'essence très spécial : 78 % d'alcool, 22 % d'essence et 3 % de plomb tétra éthyle. Ces moteurs disposent d'hélices spéciales à pas variable et ne peuvent propulser que des appareils légers. Hispano-Suiza, qui fournit le moteur de course du Nieuport-Delage et des Bernard HV-120 engagés, ne peut mettre au point à temps son moteur, qui doit délivrer 1 680 ch. L'hydravion Bernard HV-40 d'entraînement des pilotes est propulsé par un Mistral 9 Ks à compresseur délivrant 800 ch et vendu 750 000 francs.
Un moteur de série doit tourner 200 à 300 heures à plein régime ou à 80 % du régime maximal avec de l'essence ordinaire à 74 degrés d'octane (en 1929) puis à 87 degrés d'octane (en 1932), tirant une charge de 10 tonnes et plus sur un bombardier à des altitudes élevées. Rappelons qu'à 12.500 mètres, altitude où parviennent les meilleurs bombardiers de la seconde guerre mondiale, la résistance à l'avancement a diminué de moitié par rapport au niveau de la mer, mais la puissance des moteurs a diminué de moitié également. Un moteur de 1000 ch ne développe plus que 500 ch. En outre, les ingénieurs ont montré par des essais de prototypes en laboratoires qu'un moteur V12 de 40 litres obtenu par accroissement homothétique des dimensions d'un moteur V12 de 20 litres ne donnait pas le double de puissance, mais seulement 1,6 ou 1,7 fois plus de puissance. Ils déterminent dans le même temps que des alésages de pistons supérieurs à 165 mm donnent des moteurs lourds et poussifs, pour différentes raisons mécaniques : énergie cinétique, vitesse linéaire des pistons, etc.
Chez Armstrong-Siddeley, le plus puissant des 14 cylindres « Jaguar », le type VIC de 1927-1928 ne développe au mieux que 480 ch. Le « Leopard » qui lui succède, un énorme 14 cylindres de 48,6 litres de cylindrée ne parvient pas à dépasser les 800 ch malgré des efforts déployés par les ingénieurs de Coventry pour lui donner de la puissance. Chez Bristol, le Jupiter culmine à 580 ch. Chez Rolls-Royce, le vieux moteur Condor, qui date de 1918, ne développe même pas 700 ch et il est au bout de son développement. La firme américaine Wright, qui a absorbé la société de construction des moteurs Curtiss en 1929, abandonne les V12 pour se consacrer aux moteurs en étoile. Le premier « Cyclone » en 1929 ne développe que 500 ch.
Chez Lorraine-Dietrich, leader d'une entité appelée Société Générale Aéronautique (SGA) qui comprend SECM-Amiot (Colombes), Latham (Caudebec-en-Caux), Hanriot, CAMS (Sartrouville), Nieuport et Dyle-et-Bacalan, le 18 cylindres en W dont le développement remonte à 1923, même s'il développe une puissance appréciable, n'intéresse aucun constructeur. Avec ses accessoires et les pleins d'eau dans les radiateurs, ce groupe motopropulseur pèse plus d'une tonne. Que dire du Lorraine W24 de 1 000 ch, dont le bloc moteur dépasse trois mètres de long et qui pèse deux tonnes ! Non seulement, les constructeurs veulent des moteurs puissants, mais légers.
Chez Gnôme & Rhône, deux séries de moteurs sont mises en chantier simultanément en 1929, la série 14 K pour des moteurs de 700 à 1 000 ch et la série 18 L pour des moteurs de 1 000 à 1 300 ch. Baptisé « Mistral Major », le 14 K commence son développement en 1930 avec le type 14 Ka homologué à 790 ch ; en 1935 le type 14 K frs de 1 084 ch constitue l'ultime développement de ce moteur qui passe la main en 1936 à la série N, plus spécialement adaptée aux compresseurs à deux étages. La série L en revanche connaît de nombreux problèmes. Moteur à 18 cylindres (deux étoiles de 9 cylindres) de 54 litres devant développer 1 400 ch à 2 200 tours par minute à la fin de son développement, le plus gros moteur jamais construit par Gnôme & Rhône à cette époque, malgré différentes modifications entreprises entre 1932 et 1936, ne passera avec difficulté l'homologation à 1 400 ch - pour seulement 20 heures de fonctionnement - qu'en 1936. A cette date, d'autres solutions s'imposeront : les V12 suralimentés.
Destiné à être équipé de trois types de compresseurs différents pour les vols en haute altitude (plus de 12.000 mètres) des bombardiers de l'Armée de l'Air, à moyenne altitude (autour de 8.000 mètres) des appareils de transport et à basse altitude pour les chasseurs d'attaque au sol, la mise au point du 18 L est contrariée par les problèmes de températures trop élevée dans les cylindres, quel que soit le type de compresseur utilisé, obligeant les ingénieurs à limiter le régime et le taux de compression.
Diverses modifications ont été apportées par les ingénieurs du bureau d'études pour tenter de refroidir correctement les cylindres : segments spéciaux, traitement de surface des pistons, forme des culasses, ailettes de refroidissement, capot ages à effet venturi. En réalité, la solution à ce pr oblème qui a empoisonné également tout le développement du moteur 14 K, se trouve dans l'essence. En augmentant le taux de compression, on augmente la température dans les cylindres jusqu'à des valeurs - plus de 850 °C - inaccept ables pour les hydrocarbures utilisés, provoquant des détonations qui ravagent les cylindres, tordent les soupapes et percent les pistons. La France, qui ne contrôle pas la technologie des hydrocarbures, dépend des anglo-américains pour la fourniture de son essence d'aviation.
Les moteurs Gnôme & Rhône à 18 cylindres sont destinés aux hydravions géants d'Air France. Quatre moteurs Gnôme & Rhône 18 Lars devaient propulser l'hydravion géant des lignes de l'Atlantique Nord Latécoère Laté 620 avec vingt passagers couchés en cabine, sur 6 000 km, et ses concurrents le Potez- CAMS 161 et le Lioré et Olivier LeO H-49. Pour l'étude et la construction de ces hydravions, chaque constructeur touche en août 1935 plusieurs millions de francs.
La compagnie Air France dont la flotte se compose en 1933 d'un nombre important d'appareils de types différents, souhaite renouv eler son parc par des hydravions de grande capacité pour les lignes de la Méditerranée, avec une centaine d'avions et hydravions modernes, et les lignes de l'Atlantique nord et sud, avec des hydravions géants.
Après sept ans de développements coûteux, la série 18 L sera abandonnée en 1939, au profit de la série 18 P née en 1937 et au profit de la série 18 R mise en chantier en 1940. Ces moteurs sont tous des 18 cylindres de 54 litres de cylindrée destinés à développer une puissance supérieure à 2 000 ch. En réalité, après la construction des 30 moteurs d'essais 18 L, et 130 moteurs 18 P en 1937, ces moteurs seront abandonnés car jamais leur puissance, malgré les nombreux tests au banc, ne dépassera 1500 ch. De 1930 à 1936, ce sont finalement les 14 K qui seront utilisés, les moteurs les plus puissants construits en série par Gnôme & Rhône.
Réclame G&R de 1933 (L'Air n° 323)
Le moteur Gnôme & Rhône 14 K Mistral Major
Baptisé « Mistral Major », le moteur 14 K dessiné en 1928 par les ingénieurs du bureau d'études de Gnôme & Rhône est alors le plus gros moteur jamais construit par la firme française. Construits à Gennevilliers en 1929, les prototypes des premiers 14 K apparaissent sur le marché pour essais en 1930. Destinés aux essais au banc, ces premiers moteurs purement atmosphériques pèsent 525 kg. La première version 14 Ka est homologuée à 65 heures de fonctionnement en 1930 à la puissance de 565 ch à 1800 tours par minute sans suralimentation. Le rapport poids / puissance, 0,93 n'a rien d'exceptionnel. Ce qui l'est d'avantage, ce sont les perspectives de développement. Les ingénieurs pensent tirer de ce moteur 900 à 1 000 ch dans les quatre à cinq ans à venir.
La version suivante, baptisée 14 Kb en 1931, toujours sans compresseur, développe la puissance de 625 ch à 2100 tours à 90% de la puissance nominale et 700 ch à 2400 tours, régime maximal autorisé, ce qui égale déjà la puissance du moteur « Mistral » 9 Ks de record construit l'année précédente pour les hydravions d'entraînement de la Coupe Schneider. Sur la version 14 Kcrs avec un compresseur mécanique centrifuge développé chez Gnôme & Rhône, la puissance dépasse 750 ch au niveau de la mer. La version 14 Kdrs ('r' comme réducteur et 's' comme suralimentation) développée en 1932 atteint 800 ch grâce à une suralimentation par un compresseur centrifuge à une vitesse. Les versions ultimes, en 1937, atteindront 930 ch grâce à des compresseurs encore plus efficaces. Le moteur « Mistral Major » est commercialisé par Gnôme & Rhône avec trois réducteurs planétaires aux taux de réduction suivants : 1/2 (1200 tours à l'hélice), 2/3 (1600 tours à l'hélice) et 5/7 (1700 tours à l'hélice).
Les ingénieurs français, encore une fois, ont fait preuve d'esprit d'innovation. D'une cylindrée de 38.762 cm3, le 14 K possède un vilebrequin forgé en nickel-chome construit en deux parties boulonnées entre elles, ce qui le rend léger et en principe évite les vibrations « par résonance » qui se produisent au régime moteur de 2400 tours. Inversement, le bloc moteur est construit par usinage dans un bloc d'alliage d'aluminium, technique assez révolutionnaire, ce qui a pour effet de le rendre très résistant. Un taux de compression assez bas de 5,5 est utilisé. C'est la valeur moyenne utilisée dans les années vingt sur les moteurs « paisibles » dans la Marine, par exemple. En augmentant ce taux de compression, on doit encore pouvoir augmenter la puissance. Sur ce vilebrequin à la conception particulière, les masselottes d'équilibrage sont excentrées et les contrepoids y sont fixés par des rivets.
Le moteur 14 K bien entendu est refroidi par air. Chaque cylindre comprend une chemise en acier nitruré fraisée et boulonnée sur les têtes de cylindre. Finies les chemises flottantes à lumières des moteurs mono soupapes. On trouve classiquement une soupape d'admission et une soupape d'échappement par cylindre, soit un total de 56 soupapes sur le moteur. Les cylindres munis d'ailettes de refroidissement sont usinés dans un alliage d'aluminium et non plus en acier comme sur les moteurs Jupiter. Ils sont bloqués sur la culasse par huit goujons. Les pistons sont construits également dans un alliage d'aluminium forgé. Chaque piston d'un alésage de 146 mm et possédant une course de 165 mm comprend deux segments de compression et un racleur d'huile situé au-dessus de l'axe de la bielle. Deux carbur ateurs Stromberg NAR 125 alimentent en mélange les rangées de neuf cylindres (et non plus par groupe trois cylindres comme sur les moteurs Jupiter), ce qui résout du même coup le problème de l'alimentation en essence du groupe arrière de cylindres par rapport au groupe avant. Ces carburateurs sont « réchauffés » par un circuit d'huile. L'essence utilisée est à 78 degrés d'octane. Chaque cylindre comprend une bougie Avia et un anti-flamme Vénus, produits par Bronzavia à partir de l'année 1934. L'ordre d'allumage est celui de tous les sept cylindres : 1,3,5,7,2,4 et 6. Une magnéto haute tension fournit l'allumage.
L'embiellage comprend deux parties, une bielle secondaire commandée par six pistons et une bielle maîtresse portant un piston qui tourillonnent directement sur le vilebrequin (pas de roulements à billes). Chaque cylindre comprend deux soupapes commandées par des culbuteurs avec basculeurs, une soupape d'admission et une soupape d'échappement. La suralimentation est opérée par un compresseur centrifuge à un seul étage construit par Gnôme & Rhône ou axial type Rateau. Le compresseur Gnôme & Rhône comprend un moyeu élastique pour permettre au rouet à aubes construit lui aussi en alliages légers de supporter les brusques variations de régime. Ce rouet qui tourne à 25.000 tours/minute est actionné par le vilebrequin à l'arrière du moteur à travers un train de pignons ou un réducteur planétaire. Les moteurs de la série 14 K peuvent être équipés de plusieurs types de compresseurs : Gnôme & Rhône à une vitesse, Farman à plusieurs vitesses, axial type Rateau ou mécanique Roots.
Le moteur 14 Kb est testé sur le Latécoère 28-4-1 commercial (terrestre) en 1931. Ce monoplan monomoteur de transport est propulsé soit par un moteur Renault 12 Jbr de 500 ch, soit par un moteur Hispano-Suiza 12 Hbr de la même puissance équipés tout deux d'un réducteur 1/2. Avec le Gnôme & Rhône 14 Kb, les performances de l'avion font un bond en avant spectaculaire.
La version 14 Kcrs à réducteur(s) Gnôme & Rhône et à compresseur à un étage est homologuée à la puissance de 750 ch en 1932. Le moteur est essayé avec succès sur le monoplan de chasse Dewoitine D- 370, plus rapide malgré sa silhouette trapue que le Dewoitine D-500 à aile basse. Le D-371 à moteur Gnôme & Rhône 14 K est commandé en série par la Marine nationale en 1934 à 45 exemplaires pour équiper le porte-avions Béarn.
Le moteur 14 K connaît un vrai succès commercial. Après les essais sur Laté-28-4-1 et le D- 370 prototype, il est essayé avec succès sur le prototype du bombardier Amiot 140, apparu en avril 1931. Construit à quarante exemplaires en 1933 pour l'Armée de l'Air, l'Amiot 140 de série est propulsé par deux moteurs Gnôme & Rhône 14 Kdrs de 790 ch. Cent trente huit exemplaires supplémentaires, baptisés Amiot 143, sont commandés en version BCR (Bombardement Combat Renseignement) en 1934 pour le bombardement de jour et de nuit, équipés du moteur 14 Kirs/Kjrs homologué à 870 ch en 1934 après l'abandon du moteur Hispano-Suiza 12 Ybrs de 860 ch atteint de surchauffes.
Sur le marché français, dans les années 1930- 1934, le moteur 14 K s'impose ; même sur le marché international pourtant très convoité par la Grande- Bretagne et l'Italie, il se vend bien. A cette époque, la firme est en phase avec le marché et elle anticipe bien les besoins des avionneurs, situation qui ne va pas durer. La firme Isotta-Fraschini construit le Gnôme & Rhône 14 Kc sous licence en 1934 pour équiper le Breda 65, un chasseur d'attaque au sol construit à 150 exemplaires, également propulsé par un FIAT A80 RC 41 de 1 000 ch.
Un moteur 14 Kdsr à compresseur de 840 ch est monté en remplacement du moteur Hispano-Suiza habituel sur le Blériot 111/6 de transport disputant la course Londres-Melbourne qui se déroule du 20 octobre au 4 novembre 1934, course remportée par le De Havilland « Gosvenor House ». Trop chargé en essence, le Blériot 111/6 baptisé Sagittaire efface son train d'atterrissage au Bourget le 18 octobre lors de son décollage pour Londres et doit déclarer forfait.
Les moteurs 14 Kirs/jrs de 870 ch équipent le prototype de transport Bréguet-Wibault 670T en 1935. En 1936, des moteurs 14 Kirs équipent le Bréguet 470T « Fulgur » de transport pour douze passagers. Les deux appareils Bréguet tout comme le Bloch MB 300 prototype, finirent leurs jours dans la guerre d'Espagne. Baptisé « La grosse Julie », le prototype du disgracieux trimoteur Bloch MB 300 « Pacifique » pour le transport de trente passagers en 1935 est propulsé par trois 14 Kfrs de 990 ch. Les essais montrent que les moteurs vibrent excessivement. Des silents-blocs sont ajoutés aux bâtis moteurs pour tenter de réduire les vibrations.
Le Potez 620 est dérivé du bombardier Potez 54 produit à 220 exemplaires dès 1933. Transportant seize passagers, ce bimoteur dont la mise au point a évidemment été rapide a permis de sortir la compagnie Air France de ses problèmes de délais de livraisons des appareils commandés pour les lignes Parisb - Marseille, Paris - Rome et Paris - Madrid. Propulsé par deux Gnôme & Rhône 14 Kirs-Kjrs de 890 ch, le prototype Potez 620 vole en janvier 1935. Douze Potez 620 sont mis en service sur les lignes d'Air France, avec les immatriculations F-ANPG à FANPJ, F-ANQK à F-ANQM, F-ANQP et F-ANQR, F-AOTT et F-AOTU et F-AOTZ à F-AOUB. En 1937, les neuf appareils encore en service reçoivent des 14 N-16/17 de 900 ch. Quatre exemplaires sont transformés en Potez 621 destinés aux lignes de l'Amérique du sud par remplacement des 14 K par des Hispano-Suiza 12 Xgrs en 1935. Le potez 621 transporte sept passagers.
Dernier bimoteur de transport créé par Marcel Bloch au bureau d'études de sa société en 1936, le Bloch MB 220 est l'un des appareils de transports les plus modernes d'Europe en 1936. Le prototype est propulsé par deux moteurs 14 K de 820 ch. Les seize appareils de série, mis en service par Air France sur la ligne Paris - Marseille fin 1937, sont propulsés par deux 14 N-16/17 de 915 ch.
Après les Amiot 140 et Amiot 143, les moteurs 14 Kgrs de 800 ch équipent plusieurs bombardiers français de l'Armée de l'Air : les deux cent huit bombardiers de jour et de nuit Bloch 200 quadr iplaces mis en service en 1935, propulsés par deux 14 Kirs de 870 ch comme les Amiot 143. Sur son successeur le Bloch 210, les moteurs 14 Kirs chauffent exagérément. Inderdits de vol à cause de la défaillance de leurs moteurs, les deux cent cinquante sept Bloch 210 mis en service en 1939 sont finalement remotorisés par des 14 N.
Dans la même catégorie que l'Amiot 143 et le Bloc 200, le Potez 541 est lui aussi équipé en pr emière monte de deux moteurs Gnôme & Rhone 14 Kdrs de 790 ch, alors que la version Potez 540 est propulsée par deux Hispano-Suiza 12 X et la version Potez 542 par deux moteurs Lorraine V12 Pétrel. Le Potez 541 est le prototype du Potez 543, produit à douze exemplaires en 1937 pour la Roumanie et l'Espagne.
Quadrimoteur, le Farman F 222 est un bombardier de nuit à cinq hommes d'équipage pr oduit dans différentes versions à 72 exemplaires dont les premières sont mises en service en 1936 avec des 14 Kjrs de 870 ch bientôt remplacés par des 14 N0/1 et 14 N-5/6 de 950 ch. La version de transport transatlantique fut utilisée comme bombardier nocturne par la Marine française : le F 2234 Jules Verne fut le premier appareil français à bombarder Berlin.
Peu apprécié des pilotes de l'Armée de l'Air à cause de ses contraintes d'utilisation qui sont perçues comme autant de défauts, le 14 K est apprécié par les pilotes de la Marine nationale. Après les Dewoitine D- 371, les moteurs 14 K sont utilisés abondamment dans les années 1932 à 1937 par l'aéronavale française. La plupart des appareils importants commandés par la Marine nationale sont propulsés par le moteur Gnôme & Rhône en double étoile refroidi par air. En effet, psychologiquement, les marins égarés en mer préfèrent utiliser l'eau potable dont ils disposent pour leur survie que pour refroidir les moteurs.
Les trente quatre Bréguet 521 « Bizerte », un appareil dérivé de l'hydravion britannique Short « Calcutta » sont propulsés par trois moteurs Gnôme & Rhône 14 Kdrs de 845 ch. Ces hydravions sont mis en service en 1935 et certains volent encore en 1945.
Préférant les moteurs 14 K refroidis par air aux moteurs Hispano-Suiza refroidis par eau, la Marine nationale commande soixante hydravions de patrouille en mer Lioré et Olivier H-257 en 1936. Propulsés par deux 14 Kirs de 870 ch, les LeO H-257 sont mis en service à l'été 1936 en Manche et en Méditerranée. Les derniers appareils volent encore en 1944.
La Marine nationale prépare pour tests à Saint- Raphaël différents appareils qu'elle n'a pas commandés en série. Dans cette catégorie, on peut citer les Latécoère 293 et 440, versions militaires du Laté 28 commercial, Le Farman F-270, essayé à Toussus-le-Noble en juillet 1932, le Latécoère 55 en 1934, où les 14 Kirs remplacent les 9 Kdsr de 500 ch, le Bloch 210 H, un hydravion dérivé du bombardier de l'Armée de l'Air, le Latécoère 582, un gros hydravion à coque trimoteur, équipé de trois 14 Kdrs de 820 ch, l'Amiot 150 M, version crée en 1937 à deux flotteurs de l'Amiot 143 et propulsée par deux 14 Kdrs de 740 ch.
Le prototype le plus intéressant utilisant les 14 K est et le magnifique hydravion à flotteurs Lioré et Olivier H-46, l'un des plus beaux hydravions jamais dessiné dans le monde, qui est propulsé lors de ses essais de qualification fin 1936 par deux moteurs 14 Knrs de 890 ch. Après l'abandon par la marine du programme, le prototype H-46 construit à Argenteuil est utilisé à Berre pour la mise au point des capotages moteur dessinés par l'ingénieur Pierre Ernest Mercier pour le bombardier LeO-45. Le LeO H-46 désormais inutile est utilisé comme banc d'essais dynamique pour la mise au point des moteurs 14 N.
Chaque moteur porte en lui ses propres limites et ses points forts. Le défaut des premiers moteurs rotatifs Gnôme construits entre 1908 et 1912 était la soupape d'admission. Logée au coeur du piston, elle finissait après une vingtaine d'heures de fonctionnement par se détacher de son articulation et le piston n'étant plus retenu par la compression dans le cylindre quittait le moteur. Quand, il portait la bielle maîtresse, le moteur explosait littéralement. La solution trouvée par Laurent Seguin en 1912 a été de supprimer purement et simplement cette soupape au profit d'un dispositif de chemise mobile découvrant par une lumière le conduit d'alimentation.
Les moteurs à 14 cylindres rotatifs souffraient d'un autre défaut : étant alimenté par l'arrière du vilebrequin par une pompe à essence unique, une rangée de cylindres arrière était mieux nourrie que l'autre. Dans une étoile, les pistons souffraient d'un régime pauvre et pouvaient se percer, tandis que dans l'autre étoile ils se noyaient. Le Jupiter souffrait de vibrations qui finissaient par détruire les paliers et les roulements.
Le 14 K lui aussi, malgré ses qualités, souffre de défauts liés à sa lubrification, mais son système qui comporte des améliorations techniques remarquables en font un moteur très en avance. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les moteurs fixes sont plus compliqués à lubrifier que les rotatifs : l'huile s'accumule dans les cylindres 4 et 5 et fait défaut dans le cylindre 1 qui porte la bielle maîtresse. Ils sont plus difficiles à lubrifier que les V12 où la circulation d'huile dans le moteur emprunte un parcours bien étudié. Sur les moteurs en ligne et en V, l'apport d'huile au moteur se fait par refoulement sur les paliers ; sur un moteur en étoile (et sur certains moteurs en W), elle se fait par refoulement sous forte pression à travers le vilebrequin. Les moteurs en double étoile comportent deux pompes à huile pour le refoulement et deux pompes de retour pour venir chercher l'huile après usage dans la culasse et venir l'amener aux filtres après une chicane ou puisard filtrant. Sur le 14 K, l'huile sert à la fois à la lubrification des organes mobiles et au refroidissement du moteur. Elle doit donc être filtrée sur le circuit retour et refroidie par un radiateur. Le 14 K est fait pour fonctionner dans des capotages aérodynamiques qui permettent une bonne circulation de l'air autour des cylindres. Plus l'avion est rapide, mieux il fonctionne.
Malheureusement, les pilotes de l'Armée de l'Air connaissent de nombreux serrages et casses moteur avec les moteurs 14 K à cause de leur refroidissement. Pour permettre une bonne ventilation des cylindres à l'atterrissage à vitesse nulle alors que le moteur est chaud, ils ne doivent pas couper le contact, mais au contraire brasser les groupes propulseurs par un plein régime, pendant quelques secondes. La mauvaise lubrification limitant à la fois la puissance et la durée de vie du moteur, les ingénieurs du bureau d'études Gnôme & Rhône ont tout essayé pour améliorer la situation. Le meilleur compromis fut trouvé en multipliant le nombre des pompes à huile. Mal lubrifiés, les moteurs cassent brutalement avant les 450 heures d'utilisation prévues.
A partir de 1934, la société Gnôme & Rhône entreprend des études sur fonds privé des carburants et des lubrifiants pour réaliser des moteurs de 1 000 ch. Les huiles végétales obtenues par pression, comme l'huile de lin, utilisées sur les rotatifs, sont proscrites au profit des huiles d'hydrocarbures. Malheureusement, la France dépend de l'étranger pour son approvisionnement en pétrole brut. Par ailleurs, avec l'élévation du taux de compression et la généralisation de l'usage des compresseurs sur les moteurs, les ingénieurs de chez Gnôme & Rhône démontrent par des casses moteurs provoquées au banc sur des 14 K que des puissances supérieures à 900 ch nécessitent l'ajout dans l'essence de plomb tétra-éthyle si l'on veut obtenir des taux de compression supérieurs à 7. Là encore, la France doit importer des Etats-Unis le plomb tétra-éthyle qu'elle ne produit pas.
Les derniers moteurs 14 Kfrs construits en 1936 bénéficient déjà de ces recherches. Leur puissance atteint 930 ch et même 1010 ch sur certains prototypes construits en 1937. L'un de ces moteurs équipe le Loire 46 C1 prototype de 1936 à titre d'essai ; les Dewoitine D 371 utilisés pendant la guerre d'Espagne sont propulsés par des 14K de 930 ch. Les moteurs de 1 000 ch n'intéressent pas seulement les militaires. Ils intéressent les constructeurs impliqués dans la construction des hydr avions de transport sur les lignes de la Méditerranée et de l'Atlantique. C'est pourquoi Gnôme & Rhône entreprend dès 1934 la réalisation de la série 14 N.
Plus de trois mille cinq cents moteurs 14 K sont finalement construits en France entre 1932 et 1938, sans compter les licences cédées à l'étranger. Un moteur 14 K est vendu en 1936 plus de 400.000 francs.
Les licences de construction du 14 K sont vendues en Belgique (SABCA à Bruxelles), à la Hongrie (Manfred Weiss à Budapest), à la Tchécoslovaquie (Walter-Praha), à l'Italie (Isotta-Fraschini à Milan), à la Roumanie (Industria Aeronautica Romena à Brasov) et à la Russie (usine Molotov).
Les Soviétiques produisent le 14 K sous licence dans leur usine de Moscou sous la désignation M-85. Ce moteur propulse les neuf bimoteurs ANT-35 dessiné par l'ingénieur Tupolev en 1936, une bonne partie des chasseurs monoplaces à aile de mouette I-153 dessinés par l'ingénieur Polikarpov et le I-180, une version à moteur de 900 ch de chasseur en bois dérivé du fameux I-16 dû à Polikarpov, ainsi que les premières versions du bombardier bimoteur Iliouchine Il-4. Les soviétiques parviennent même à développer deux variantes plus puissantes, sous la direction de l'ingénieur Shvetsov, les versions M-86 et M-87 de 950 ch (augmentation du taux de compression et du régime).
Le 14 K de 900 ch produit par Isotta-Fraschini en Italie équipe le chasseur monoplace Breda Ba.65, un appareil d'attaque au sol produit à partir de 1936 à quatre vingt et un exemplaires.
Sources documentaires
Dossier Le moteur Gnône et Rhône 14K Mistral Major. Gérard Hartmann.